Perte d'exploitation et COVID-19 : l'avis d'un avocat spécialiste
De nombreuses entreprises ont fermé leurs établissements, en application de l’arrêté ministériel du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, et au Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.
Les entreprises ayant souscrit un contrat d'assurance Dommages aux biens et Perte d'exploitation, se sont interrogées sur l'éventuelle application de la garantie Perte d'exploitation aux conséquences de la crise sanitaire. La légitime interrogation des entreprises a été relayée par Madame Virginie DUBY-MULLER, députée de Haute Savoie dans le cadre de la question écrite n°27665 publiée au JO du 24 mars 2020, et par Monsieur Joaquim PUEYO, député de l'Orne, dans le cadre de la question écrite n°27669, publiée au JO du 24 mars 2020, en alertant Monsieur le Ministre de l’économie et des finances sur les conséquences financières de la crise sanitaire liée au COVID-19, et en sollicitant une analyse sur l’assurance pertes d’exploitation.
Les sociétés d'assurance et le secteur assurantiel ont répondu quasiment unanimement que la pandémie était inassurable, en raison de son caractère systémique, et en l'absence de mutualisation du risque et de la disparition de l'aléa. Il ne s'agit cependant pas là de l'avis général des spécialistes. Qu'en est il exactement ? Voici un point juridique sur la question.
S'agit il d'un risque assurable ?
Juridiquement, il n'existe pas d'obstacle à ce que les conséquences de la pandémie soient assurables. Il s'agit là notamment de l'avis de Monsieur le Professeur Luc MAYAUX, directeur de l'Institut des assurances de LYON, qui, dans un dans un article du 16 mars 2020 intitulé « Coronavirus et assurance », a conclu à l’assurabilité du risque (La Semaine Juridique, Ed. Gén. n°11, 16 mars 2020).
Techniquement, les conséquences de la pandémie sont assurables. Il ne peut cependant être nié qu'actuellement, les garanties perte d'exploitation couvrant les conséquences d'une pandémie sont difficiles à être modélisées, pour couvrir à la fois chacune des entreprises et la collectivité des entreprises touchées par les fermetures des établissements recevant du public. L’absence de caractère obligatoire d'une telle garantie n'a pas non plus permis la mutualisation du risque. Les assureurs pourraient difficilement assumer, avec les cotisations appelées, la prise en charge de ce risque systémique.
Existe t'il des pertes d'exploitation sans dommage matériel ?
Les contrats actuellement en vigueur subordonnent pour la plupart la garantie perte d’exploitation à la survenance d’un dommage aux biens. L'apparition de nouveaux risques, tels que les risques de réputation, Cyber, politiques, comme les attentats et le mouvement des Gilets Jaunes, ont amené les assureurs à faire évoluer leurs produits. Déjà en 2016, Madame Brigitte BOUQUOT, Présidente de l’AMRAE, déclarait que « l’ensemble des nouveaux risques qu’ils soient pandémiques, climatiques ou géopolitiques sont caractérisés par le fait que leurs impacts sont immatériels » (L’Argus Assurance, 2016).
En conséquence, des assureurs proposent déjà des garanties perte d'exploitation qui ne sont pas la conséquence d'un dommage matériel.
La pandémie est elle exclue des contrats d'assurance de dommages ?
Les clauses d'exclusion liées à une épidémie et/ou une pandémie existent bien. Cependant, rares sont les contrats qui les prévoient expressément. Il appartient donc à chaque entreprise disposant d'un tel contrat de le vérifier. Rappelons que les clauses d'exclusion, pour être valables, doivent être formelles et limitées, et mentionnées en caractères apparents.
La fermeture des établissements au public peut-elle entraîner une application de la garantie Perte d'exploitation ?
Il s'agit là de la question centrale. Les mesures gouvernementales visent, pour certains secteurs d'activité seulement, à ce que les établissements ne reçoivent plus du public. Le texte prévoit cependant de nombreuses exceptions, et la vente à emporter est parfois possible. La réponse à la question nécessite donc d'une part, une vérification dans le contrat d'assurance, afin de savoir si une garantie perte d'exploitation spécifique couvrant cet évènement a été souscrite et d'autre part si l'entreprise est bien concernée par les fermetures.
Comment préparer l'avenir ?
Dans le cadre d’une interview accordée à l’Argus Assurance le 30 mars 2020, Madame Valérie FAURE-MUNTIAN, députée LREM, qui préside le groupe d’études assurances à l’Assemblée nationale, a précisé qu’un état de catastrophe sanitaire était à l'étude. Des assureurs se sont positionnés favorablement à ce que ce projet aboutisse, pour les pandémies à venir.
- avril 2021
- mars 2021
- Illustration des conséquences de l’inopposabilité des Conditions Générales d’un contrat d’assurance Multirisque Habitation
- Déchéance des droits des tiers payeurs dans le cadre de l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation
- Assurance emprunteur et clause d'exclusion : application récente
- janvier 2021