Quelle actualité jurisprudentielle en droit de la construction et assurance contruction?
L’année 2016 a été marquée par plusieurs évolutions en matière de droit de la construction et de droit des assurances.
I. – L’actualité en matière de construction.
1. – Les conséquences indemnitaires des diagnostics erronés.
Tout d’abord, la Cour de cassation a apporté, durant l’année, plusieurs précisions quant à l’indemnisation du préjudice liée aux diagnostics erronés.
En effet, la Cour considère désormais que l’erreur de diagnostic n’est pas à l’origine du désordre constaté mais que le manquement fautif dans la détection des désordres engage tout de même la responsabilité du diagnostiqueur.
Par conséquent, le diagnostiqueur responsable ne devra indemniser que le surcoût des travaux de reprise (Cass. 3ème civ., 7 janvier 2016, n°14-18561, Cass. 3ème civ., 7 avril 2016, n°15-14996, Cass. 3ème civ., 19 mai 2016, n°15-12408).
En revanche, le diagnostiqueur devra indemniser l’intégralité des travaux de reprise et non la seule perte de chance de négocier le bien (Cass. 3ème civ., 30 juin 2016, n°1428839).
2. – La nullité des contrats de construction.
Ensuite, la Haute juridiction est venue nuancer les conséquences de la nullité d’un contrat de construction.
En théorie, l’annulation d’un contrat, quel qu’il soit, a un effet rétroactif, c’est-à-dire que les parties sont remises dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat.
En matière de contrat de construction (VEFA ou CCMI par exemple), cela aboutissait parfois à la démolition de l’ouvrage.
Consciente de la sévérité d’une application parfaitement littérale de la règle, la Cour de cassation a maintenu sa position en jugeant que « le maître de l'ouvrage, qui invoque la nullité d'un contrat de construction de maison individuelle, n'est pas tenu de demander la démolition de la construction, que le juge n'est pas tenu d'ordonner, et peut limiter sa demande à l'indemnisation du préjudice résultant de cette nullité » (Cass. 3ème civ., 21 janvier 2016, n°14-26085).
De sorte que la destruction de l’ouvrage n’est plus automatique et le juge ne pourra l’ordonner que si elle ne présente pas un caractère disproportionné.
3. – La garantie applicable en matière de panneaux d’isolation.
Les articles 1792 et suivants du Code civil prévoient plusieurs types de responsabilité en fonction de la qualité du responsable, du type de désordres ou du type d’élément.
L’article 1792-4 prévoit ainsi que « Le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré. »
De sorte que les fabricants de ces ouvrages sont exposés à la responsabilité de plein droit des constructeurs (responsabilité décennale ou garantie de bon fonctionnement).
Or, la Cour de cassation a jugé que des panneaux d’isolation qui avaient été produits en grande quantité et pas spécifiquement pour le chantier en question ne pouvaient être soumis à l’article 1792-4, outre le fait que le désordre résultait d’un défaut de pose conforme.
Par conséquent, la responsabilité de plein droit des fabricants ne peut être engagée qu’à condition de rapporter la preuve que les ouvrages ont été produits pour le chantier en question (Cass. 3ème civ., 7 janvier 2016, n°14-17033).
4. – La qualification du promoteur immobilier.
La Cour de cassation a admis qu’une SCI promoteur immobilier était un professionnel de l’immobilier mais a refusé de lui donner la qualification de professionnel de la construction.
Le juge de cassation a donc considéré que cette SCI était un non-professionnel par rapport au contrôleur technique et qu’à ce titre, le Code de la consommation était applicable. Il a également accepté de reconnaitre une clause comme abusive au profit de la SCI lorsque celle-ci avait pour objet de limiter les conséquences de la responsabilité contractuelle du contrôleur technique peu importe l’incidence de ses fautes (Cass. 3ème civ., 4 février 2016, n°14-29347).
II. – Les actualités en matière d’assurance construction.
1. – L’étendue des garanties en matière de responsabilité décennale.
Il n’est pas rare que certains contrats d’assurance prévoient des clauses limitant l’étendue de la garantie soit en prévoyant expressément les cas dans lesquels la garantie s’applique soit à l’inverse en excluant certains faits de la garantie.
C’est exactement ce qui avait été prévu par une compagnie d’assurances choisie par un constructeur de piscine qui doit obligatoirement s’assurer au titre des désordres à caractère décennal.
Or, la police d’assurance limitait la garantie au titre de l’article 1792 du Code civil aux seuls défauts de solidité affectant la structure de la piscine.
La Cour de cassation a considéré que ces stipulations contrevenaient aux règles d’ordre public relatives à l’étendue de l’assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction et qu’elles devaient être réputées non écrites (Cass. 3ème civ., 4 février 2016, n°14-29790).
Cependant, l’assureur peut tout à fait opposer une exclusion de garantie pour des activités qui ne lui ont pas été déclarées (Cass. 3ème civ. 30 juin 2016, n°15-18206).
Par conséquent, les maîtres d’ouvrage, bénéficiaires des assurances dommages-ouvrage mais tiers au contrat devront s’assurer des garanties prévues dans la police d’assurance.
2. – Les conséquences du défaut de souscription d’assurance décennale.
Le dirigeant d’une société n’avait pas souscrit l’assurance obligatoire en matière de construction. La Cour de cassation a jugé qu’il s’agissait d’une faute intentionnelle constitutive d’une infraction pénale et que cette faute était séparable de ses fonctions sociales.
Par conséquent, il s’agit de la responsabilité personnelle du dirigeant qui doit être engagée (Cass. 3ème civ., 10 mars 2016, n°14-15326).
3. – La signification du refus de garantie.
L’assureur dommages-ouvrages ne peut pas communiquer simultanément le rapport préliminaire et sa prise de position. Il doit dans un premier temps communiquer le rapport pour ensuite pouvoir refuser sa garantie. A défaut, il s’expose à garantir les désordres déclarés dans la limite de l’objet assuré par les stipulations contractuelles (Cass. 3ème civ., 30 juin 2016, n°14-25150).
4. – L’affectation de l’indemnité d’assurance dommages-ouvrages.
La Cour de cassation a dans un premier temps confirmé un principe bien établi en matière d’assurance dommages-ouvrages selon lequel la somme allouée par l’assureur doit être affectée aux réparations des désordres puisqu’il s’agit d’une assurance de préfinancement.
La Haute juridiction a dans un second temps affirmé que l’assureur est en droit de se voir restituer les sommes trop perçues par l’assuré qui ne pourrait pas justifier de leur affectation (Cass. 3ème civ., 4 mai 2016, n°14-19804).
5. – Le bénéficiaire de l’indemnité d’assurance dommages-ouvrages en cas de vente de l’immeuble.
L’indemnité d’assurance bénéficie à l’acquéreur de l’immeuble quand bien même la déclaration de sinistre aurait été transmise à l’assureur avant la vente, sauf si le contrat de vente prévoit le contraire.
Cette solution parait tout à fait logique puisqu’il s’agit d’une assurance de choses et qu’elle suit ainsi l’ouvrage assuré et non le souscripteur.
6. – Le recours subrogatoire de l’assureur.
L’assureur qui n’a pas répondu dans les délais légaux au bénéficiaire de la garantie ne peut pas lui opposer un refus de garantie. Toutefois, l’assureur placé dans cette situation qui a versé l’indemnité peut quand même exercer son pouvoir de subrogation dans les droits et actions de son assuré à hauteur de l’indemnité versée (Cass. 3ème civ., 13 juillet 2016, n°15-22961).
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